Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de l'Abbé Benoît

Un blog qui donne de vivre joyeusement sa foi en Dieu Trinité. Faire connaître, aimer, adorer, louer Dieu en tout tant et en toute circonstance et vivre constamment dans l'action de grâce.

29ème Dimanche Année C :

 Luc 18, 1-8

Un enseignement supplémentaire que donne Jésus dans sa montée vers Jérusalem - qui est prêt de se terminer maintenant, il n'est pas loin de Jéricho. Et comme il le dit souvent, surtout dans l'Evangile de Luc, il illustre son enseignement par une histoire, une histoire illustrée - pas exactement une parabole, quoi qu'en dise le texte. Une parabole, c'est soit une comparaison, soit une énigme. Ici, c'est - comme dans le cas du bon samaritain, ou du fils prodigue et du père miséricordieux - une histoire qui donne un exemple, et à partir de laquelle Jésus tire une conclusion.

Et à lire ce texte, on pourrait dire immédiatement que le message premier, c'est de dire, a fortiori " Dieu nous écoute " et a fortiori " Dieu est bon ". Une femme qui insiste pour obtenir justice, près d'un juge qui n'a pas de conscience, qui ne respecte ni les hommes ni Dieu, et qui finit par obtenir justice ; et ce juge, pour avoir la paix, finit par l'exaucer. A plus forte raison Dieu est-il bon, et avons-nous raison d'insister dans la prière. C'est là le message clair de ce texte, et qui reste vrai.

Mais ce texte pose autant de questions qu'il en résout. On ne parle que d'une démarche. Qu'est-ce qu'a fait ce juge pour rendre justice ? La cause de cette femme était-elle juste ? Rien à ce sujet.

Et puis, c'est un texte dangereux, une histoire dangereuse. Nous connaissons tous des situations humaines où c'est celui qui crie le plus fort qui a raison ; à force d'insister et d'embêter le monde, il finit par arriver à ses fins ; et puis, en face de soi, on trouve des gens qui, pour avoir la paix, renoncent à la vérité et renoncent à leur position. On pourrait évoquer des histoires sans fin, aussi bien dans le monde politique, dans le monde national, social, familial ou communautaire. Donc, cette histoire devient gênante par certains côtés, en plus du premier message très juste qu'elle nous rapporte.

D'autre part, c'est contradictoire avec un autre enseignement de Jésus : " Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens - dit-il - votre Père sait d'avance ce dont vous avez besoin. " Nous sommes en pleine contradiction. Il faut prier sans cesse ; Jésus dit ailleurs qu'il ne faut pas rabâcher, Dieu sait d'avance ce dont nous avons besoin. Quelle image de Dieu, en plus, nous donne ce texte ? Dieu va-t-il changer d'avis parce que nous lui cassons les oreilles ?

Il est vrai que dans l'Ancien Testament, on a une conception de la prière où on fait changer Dieu. Abraham discute avec Dieu comme il discuterait avec un marchand de tapis pour obtenir que la ville de Sodome ne soit pas détruite : s'il reste 50 justes, ou 40 justes, ou 30 justes, ou 20 justes, est-ce que tu vas accomplir ta promesse de détruire la ville ? Et Dieu négocie avec Abraham. Et finalement, il sauvera son neveu Loth de cette ville qu'il va détruire. Moïse chaque fois que le peuple, dans le désert, pèche, et que Dieu dit à Moïse qu'il va détruire ce peuple, Moïse insiste et lui dit : " tu ne vas pas faire ça ! ", il le fait changer d'avis.

Dieu est-il celui qui change d'avis quand nous insistons ? Qui est Dieu ? Qui sommes-nous ?

On voit que cette image que prend Jésus dans cette illustration, dans cette parabole, pose autant de questions qu'elle en résout.

Et ce qui complique l'affaire, c'est que - le texte est mal traduit - " Le Seigneur ajouta : écoutez bien ce que dit ce juge sans justice. Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Est-ce qu'il les fait attendre ? " " Est-ce qu'il les fait attendre " : il semble, d'après les spécialistes, que ce n'est pas ça que dit le texte.Il faut y lire : " Mais, il les fait attendre. " Alors, ça pose une question de plus : Dieu s'amuse à nous faire attendre ?

Et puis, la dernière phrase : " Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? " Bien sûr, à première vue : est-ce que nous allons tenir dans la foi jusqu'à la fin de notre vie, jusqu'à la fin des temps, persévérer ? Interprétation également juste, mais cette dernière phrase vient un peu comme un cheveu dans la soupe - à moins qu'elle ne soit en relation avec " Est-ce qu'il les fait attendre ? " ou plutôt avec "Mais il les fait attendre"? Auront-ils, aurons-nous, la patience d'attendre dans la foi, de continuer à espérer contre apparemment toute espérance?

Jésus nous invite à une confiance qui va beaucoup plus loin qu'une réclamation. Il invite à croire envers et contre tout qu'on peut se tourner vers Dieu, qu'il nous écoute toujours, même quand il nous fait attendre. Et qu'il attend de nous une foi, une foi en lui et pas en nous. Dieu n'est pas un marchand de tapis, Dieu n'est pas la Sécurité Sociale, Dieu n'est pas l'Assurance tous risques. Il nous fait comprendre que ce que nous lui demandons doit se trouver dans sa perspective à lui - et non pas dans notre perspective à nous. On est facilement tentés de dire, quand rien ne va plus, quand il n'y a plus de moyens humains, quand il n'y a plus de guérison possible pour un malade, quand il n'y a plus de solution possible dans une affaire - quelle qu'elle soit - dans nos familles, nos sociétés, une réconciliation ou quelqu'un qui tourne mal et qu'on voudrait changer de vie… on se dit : eh bien, il n'y a plus qu'à… faire appel à l'assurance finale, Dieu, qui va résoudre le problème pour nous.

Mais Dieu nous fait attendre, c'est bien ce que dit Jésus dans cette seconde traduction. Dieu va résoudre le problème autrement. Car même s'il résout le problème à notre façon, il arrivera toujours un moment, il y aura toujours une crise définitive qui s'appelle notre mort ; et qui fera que l'on trouve nos meilleures bonnes solutions très imparfaites. Dieu nous appelle à vivre pour lui, à vivre comme lui, et à marcher vers la vie éternelle, une vie avec lui. Et c'est dans cette perspective que nous devons être devant lui dans une confiance totale, à lui apporter nos besoins, en disant : peut-être… Il y a des miracles qui se passent, il ne faut pas le nier, ils sont rares. Peut-être… " Si c'est ta volonté, Seigneur, que ce malade guérisse, que cet homme change de vie, que la solution à ce problème se manifeste… nous te le confions, nous te l'apportons. " Mais avec insistance et dans la foi, en disant : " Je ne doute pas que tu trouveras la meilleure solution à ce problème, en vertu de ton projet, en vertu de ton plan, en vertu de ma vocation, en vertu de ce que tu attends de moi… " Et je pense que c'est là la grande phrase de Jésus.

Est-ce que nous avons cette foi qui ne doute jamais de Dieu ?

Mais alors, le jugement ? Qu'est-ce que ça veut dire, Dieu qui juge ? ça veut dire qu'il change d'avis sur nous ? Qu'il nous trouve mauvais aujourd'hui et il nous trouve bon le lendemain ?

Là encore une fois, nous avons à purifier nos images. Dieu ne change pas ; Dieu est toujours aussi miséricordieux ; Dieu est Amour. Son jugement, c'est de nous ouvrir les yeux pour que nous regardions notre vie à la lumière de ce qu'il est. Et qu'à partir de là, nous tirions les conséquences : ou bien nous persévérons dans nos refus, et nous choisissons d'aller contre Dieu - c'est ce qu'on appelle l'enfer ; ou nous acceptons de nous laisser envahir par ce qu'il est et qu'il a toujours été, et qui ne change jamais, et en qui nous avons confiance, et qui est sa Présence - c'est ce qu'on appelle le ciel. Le ciel, c'est Dieu tout en tous, dit saint Paul. Et le ciel maintenant, c'est Christ tout en nous.

Est-ce que nous doutons de Jésus ressuscité, qui nous invite, dans la force de l'Esprit Saint, à entendre ce qu'il nous dit ou murmure : " je suis avec toi. Quoi qu'il arrive, je t'accompagne. Même si tu ne vois pas clair, ne doute pas. Il est possible, dans cette épreuve, dans cette difficulté que tu connais, il est possible de grandir en qualité de vie, de grandir en qualité personnelle, d'être au plus près de Dieu, d'être plus près des autres, d'avoir plus d'amour, de confiance, de miséricorde et d'espérance".

Voilà ce message à travers cette illustration qui nous dit : ne doutez jamais de Dieu, il est bon. Mais revoyons nous-mêmes cette image, surtout quand elle est reprise avec la phrase corrigée : " Dieu nous fait attendre", dans nos demandes à nous, dans nos espérances à nous ; Dieu nous surprend toujours. Est-ce que nous acceptons que Dieu soit Autre, vraiment Autre ?

Finalement, ça serait plus facile qu'il soit notre serviteur : on met une pièce dans la machine, et ça marche ! Mais Jésus ne serait-il venu que pour nous dire cela?

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article