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Le blog de l'Abbé Benoît

Un blog qui donne de vivre joyeusement sa foi en Dieu Trinité. Faire connaître, aimer, adorer, louer Dieu en tout tant et en toute circonstance et vivre constamment dans l'action de grâce.

CHAPITRE IV — Comment le ministère est dénaturé

Traité du ministère ecclésiastique

- Livre deuxième -

Comment le ministère peut-il être dénaturé?

CHAPITRE IV — Comment le ministère est dénaturé
                 
quant à sa première partie : la prière
 
Nous venons de dire comment le prêtre manquerait à son ministère s’il regardait la prière comme une obligation non du ministère de l’Église, mais du chrétien qui est en lui.

Le prêtre ne peut ni ne doit séparer en lui le chrétien du prêtre, ni le prêtre du chrétien. Encore qu’il soit vrai de dire qu’il est chrétien pour lui et prêtre pour les autres, il n’est pas moins vrai qu’en lui c’est le chrétien qui est prêtre.

Les devoirs du chrétien et les devoirs du prêtre ne sont qu’une même chose, comme le chrétien et le prêtre ne sont en lui qu’une personne.

Ce serait donc se tromper grandement que de n’avoir pas de la prière l’idée que c’est là la plus grande, la plus importante, la plus indispensable des obligations du prêtre.

Il la doit à Dieu, à l’Église, aux âmes, à lui-même : à Dieu dont il est la créature ; à l’Église dont il est le ministre ; aux âmes dont il est le serviteur ; à son âme dont il doit être après Dieu le sauveur.

Il la doit perpétuelle : Oportet semper orare.[3] (Luc. 18, 1)

Il la doit aux heures canoniques, et selon la forme canonique.

Selon la forme canonique, on en convient assez, parce que l’obligation formidable est là, et l’on sait que l’on ferait un péché mortel en manquant à une seule des heures de l’office divin.

Mais qu’il faille dire les heures canoniques aux heures canoniques, voilà qui généralement n’est pas connu.

Et cependant que signifient ces mots du bréviaire : Ad Matutinum, ad Primam, ad Tertiam, ad Sextam, ad Nonam, ad Vesperas, ad Completorium ?[4]

On dira : Oui, autrefois il en était ainsi. Assurément, mais pourquoi et comment s’est-il fait qu’il n’en est plus ainsi ?

Aujourd’hui, on dit Matines la veille, c’est-à-dire on fait de la prière de la nuit et du matin une prière du soir, ou mieux une prière du tantôt ?

Et pourquoi, sinon parce que l’on a trouvé plus facile de se lever tard que matin ?

On dit : C’est pour avoir du temps pour la méditation. Mais nos pères ne connaissaient-ils pas la méditation ? N’y donnaient-ils pas du temps ? Sommes-nous donc plus gens de méditation que nos pères ?

Hélas ! un fait est certain : nous méditons moins que nos pères, et nous avons une dose de paresse et d’immortification que certainement nos pères ne connaissaient pas.

Pour les heures du jour que nos pères avaient si sagement distancées de trois en trois heures pour nous rappeler sans cesse à l’adoration de la Sainte Trinité, aujourd’hui on les dit toutes d’une pièce ; et cela, dit-on, afin d’être plus libre.

Plus libre ! Mais qu’est-ce que cette liberté qui s’affranchit ainsi de la ponctualité dans la prière ? Et à quoi sera employée cette liberté ? Ne sera-ce point à courir et à discourir ? A jouer ou à rire ?

Ah ! la liberté ! Nos pères en avaient une autre idée que nous ; eux qui se pâmaient d’admiration en présence de la définition qu’en donnait saint Augustin : Libertas est charitas ![5] (De Natura et Gratia. Lib. I. Cap. LXV)

La charité ! Aimer Dieu et le prochain, aimer Dieu et le prier : Aimer le prochain et travailler à son salut, c’était là la liberté selon nos pères.

Il est donc vrai qu’aujourd’hui on entend autrement qu’eux la liberté, et autrement le devoir de la prière.

La prière canonique ne se fait presque plus nulle part aux heures canoniques. N’est-ce pas une des causes pour lesquelles le ministère fructifie si peu, et cela à peu près partout ?

Et si le ministère est ainsi impuissant à sauver ce pour le salut de quoi il a été institué, ne faut-il pas convenir que, n’atteignant pas sa fin, il doit être considéré comme une institution malheureusement viciée, disons le mot, dénaturée ?

____________

[3] Luc, 18, 1 : Il faut prier toujours.

[4] Ad Matutinum, etc. : A Matines, à Prime, à Tierce, à Sexte, à None, à Vêpres, à Complies.

[5] Libertas est charitas : La liberté, c’est la charité.

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