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Le blog de l'Abbé Benoît

Un blog qui donne de vivre joyeusement sa foi en Dieu Trinité. Faire connaître, aimer, adorer, louer Dieu en tout tant et en toute circonstance et vivre constamment dans l'action de grâce.

II. 2 - Notre attitude envers Dieu

LA SPIRITUALITE PASTORALE DU CURE D'ARS

Par Mgr Ancel, évêque auxiliaire de Lyon, supérieur du Prado. 
- Ars, 24 septembre 1959 -

[dans le cadre des Journées Sacerdotales du Centenaire]


2 - Notre attitude envers Dieu

Puisque Dieu est Dieu et puisque Dieu est amour, nous devons nous tenir devant Lui dans l’humilité et la pureté, mais surtout dans l’amour. Le comportement pastoral du Curé d’Ars sera tout marqué par ces vertus fondamentales qu’il vivra d’abord et qu’il communiquera aux autres.


1. L’humilité d’abord :
l’humilité de celui qui se croit rien devant Dieu, qui sait ses déficiences, son incapacité, sa misère morale et son péché. Dans la lumière de Dieu, tout cela est manifesté. Alors, le prêtre ne peut être que pur instrument entre les mains de Dieu.

Il semble que le Seigneur s’est occupé d’une façon toute spéciale de former le Curé d’Ars à l’humilité non seulement par les humiliations extérieures qui pleuvaient sur lui, mais surtout par la lumière qui l’éclairait sur sa misère. Le pauvre Curé d’Ars en a eu même peur. Vous connaissez les textes. Je vous en rappelle l’un ou l’autre : « Jamais nous ne comprendrons notre pauvre misère. Ça fait frémir rien que d’y penser ! Dieu ne nous en donne qu’un petit aperçu » (Nodet, 203). « Si nous nous connaissions à fond comme il nous connaît, nous ne pourrions pas vivre ; nous mourrions de frayeur » (Nodet, 202). « Il faut bien demander au Bon Dieu de connaître sa misère, mais pas toute, car il y a de quoi mourir de frayeur. J‘ai demandé cette grâce au Bon Dieu de me faire connaître ma misère ; je ne pouvais plus y tenir. J’ai demandé au Bon Dieu de m’ôter un peu de cette peine » (Nodet, 202).

Il disait aussi : « Dieu m’a fait cette grande miséricorde de ne rien mettre en moi sur quoi je puisse m’appuyer, ni talent, ni science, ni sagesse, ni force, ni vertus » (Nodet, 104), et cette phrase inouïe : « Mon Dieu il me faudra donc paraître devant vous les mains vides » (Nodet, 204).

Comment comprendre cette phrase ? Il me semble qu’elle s’explique par cette conviction profonde qu’il était pur instrument et qu’il ne pouvait rien s’attribuer de ce que Dieu faisait pour lui. Dans la prédication, il est seulement « l’instrument dont le Bon Dieu se sert pour distribuer sa parole » (Nodet, 127). De même pour les conversions : « Le Bon Dieu m’a choisi pour être l’instrument des grâces qu’il fait aux pécheurs, parce que je suis le plus ignorant et le plus misérable de tous les prêtres. S’il y avait eu, dans le diocèse, un prêtre plus ignorant et plus misérable que moi, Dieu l’aurait pris de préférence » (Nodet, 207). De même encore pour les miracles : « Les saints se connaissent mieux que les autres, c’est pourquoi ils étaient humbles, ils entraient dans de grandes confusions en voyant que Dieu se servait d’eux pour faire des miracles » (Nodet,205-206). Aussi, il peut les raconter ingénument : « Il m’est arrivé aujourd’hui une drôle de farce. Le Bon Dieu fait bien encore des miracles. Une dame m’a présenté son enfant. Il avait un gros mal là… Elle m’a prié de le toucher. Je l’ai fait et ça a tout fondu » (Nodet, 97).

Comme on le voit, l’humilité du Curé d’Ars est quasi d’ordre théologal. Elle aboutit à une sorte d’indifférence vis-à-vis des blâmes et des compliments. Parlant d’une personne humble, il disait : « Qu’on se moque d’elle, qu’on l’estime, qu’on la loue, qu’on la blâme, qu’on l’honore, qu’on fasse attention à elle, qu’on la laisse de côté, ça lui est bien égal » (Nodet, 206). Cependant quand son évêque lui a dit : « Mon saint curé », il s’effondre : « Que je suis malheureux ! Il n’y a pas jusqu’à Monseigneur qui ne se trompe sur moi !… Faut-il que je sois hypocrite ! » (Nodet, 208) ; et quand on eut écrit un livre sur lui : « C’est un mauvais livre, il n’y a que des mensonges ! On vous a trompé, cela ne vaut rien » (Nodet, 210).


2. L’humilité est à la fois condition et conséquence par rapport au vrai sens de Dieu ; on, peut dire la même chose pour la pureté du coeur. On a l’impression que s’est réalisée pour le Curé d’Ars la béatitude : « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur parce qu’ils verront Dieu ». Il disait : « L’âme qui aime sent et pénètre les excellences du Bon Dieu à la mesure où elle est pure. Ah ! nous ne savourons pas Dieu, faute de pureté » (Nodet, 201), et encore : « Les âmes pures, il les remplit tellement de lui-même qu’elles se perdent en lui » (Nodet, 199). « Lorsque le coeur est pur, il ne peut pas se défendre d’aimer, parce qu’il a retrouvé la source d’amour qui est en Dieu » (Nodet, 200).

La pureté dont il s’agit ici n’est pas seulement la chasteté du coeur et du corps, c’est le dégagement de tout attachement mauvais. C’est à la fois la condition pour aimer Dieu et la conséquence de cet amour. C’est en même temps la beauté de l’âme : « Être à Dieu, être à Dieu, tout entier sans partage, le corps à Dieu, l’âme à Dieu ! Un corps chaste, une âme pure ! Il n’y a rien de si beau » (Nodet, 200).


3. Enfin quand on a le sens de Dieu, on se donne à lui dans l’amour et on cherche à lui gagner des âmes.

L’amour de Dieu, quand il remplit notre âme, nous entraîne vers Lui ; il nous entraîne aussi dans l’amour de nos frères. Alors, si nous voulons doublement leur salut, d’abord parce que, par là, ils pourront aimer Dieu et parce qu’ils trouveront dans cet amour leur bonheur sur la terre et finalement dans le ciel. Tout cela est tellement uni dans les expressions et dans la vie du Curé d’Ars qu’on ne peut rien dissocier.

La spiritualité pastorale du Curé d’Ars est donc toute dominée par l’amour. À partir de l’amour de Dieu pour nous, le Curé d’Ars s’oriente lui-même et oriente les autres vers Dieu dans l’amour. Sur ce sujet, il est intarissable. La difficulté c’est de choisir parmi les textes ceux qui seront les plus caractéristiques. Là surtout, il faut se rappeler que l’expression, banale parfois, est le pâle reflet d’une vie intense.

Il rappelle que « l’homme créé par amour ne peut vivre sans amour : ou il aime Dieu, ou il s’aime et il aime le monde… » (Nodet, 72). Il y a donc une option à faire. Mais Dieu seul est vraiment bon, et puis il nous a aimés le premier, nous devons donc l’aimer nous aussi. « Mes enfants, il faut bien aimer le Bon Dieu… Il est si bon… Aimez-le bien » (Nodet, 72). « Je ne crois pas qu’il y ait des coeurs assez durs pour ne pas aimer en se voyant tant aimés » (Nodet, 72). Parlant de la présence eucharistique, il disait : « Il est là celui qui nous aime tant ! Pourquoi ne l’aimerions-nous pas ? » (Nodet, 111). Il se désole parce qu’on ne comprend pas : « Mais voilà, on ne songe pas à la bonté infinie de Notre Seigneur, à tout ce qu’il a fait pour nous. Que nous sommes malheureux ! » (Nodet, 51).

En même temps, il exhorte. Il ne conçoit pas une vie chrétienne fondée sur la crainte : « L’amour vaut mieux que la crainte. Ô mes enfants, il y en a qui aiment le Bon Dieu mais dans uns grande crainte. Ceux-là se rendent la vie si malheureuse, si épineuse, qu’ils font pitié ; ils vont au ciel ; mais ce n’est pas comme ça qu’il faut faire. Dieu est bon, il connaît nos misères ; il faut que nous l’aimions, il faut que nous voulions tout faire pour lui plaire » (Nodet, 71).

Il s’efforce de montrer que c’est dans l’amour de Dieu que l’homme trouvera son bonheur et la paix de son âme : « Quel bonheur d’aimer Dieu ! » (Nodet, 93). « Le seul bonheur que nous ayons sur la terre, c’est d’aimer Dieu et de savoir que Dieu nous aime » (Nodet, 93). « Si nous comprenions tout le bonheur d’une âme enflammée d’amour du Bon Dieu, si nous pouvions goûter combien il est doux de marcher toujours en sa présence, de nous sentir sous son regard, de nous laisser conduire par la main, nous penserions toujours à Lui, nous ne pourrions pas faire autrement, ce serait notre plus grand bonheur de chaque jour » (Nodet,93). Il va jusqu’au paradoxe : « Il y a tant de bonheur à aimer Dieu dans cette vie que cela suffirait, lors même qu’il n’y aurait pas de paradis dans l’autre vie » (Nodet, 94). Il nous fait enfin une confidence : « J’étais tourmenté pendant le jour par les hommes, et pendant la nuit par le démon, et cependant j’éprouvais une grande paix, une grande consolation » (Nodet, 231).

Mais cet amour pour Dieu n’est pas affaire de paroles ou de sentiments. Il se manifeste dans l’accomplissement de sa volonté et dans l’acceptation de la Croix : « Si nous voulons témoigner au Bon Dieu que nous l’aimons, il faut accomplir sa sainte volonté » (Nodet, 75). « Le sûr, l’unique moyen de plaire à Dieu c’est de demeurer soumis à sa volonté dans toutes les circonstances de la vie » (Nodet, 75).

Malgré tout, il y a une souffrance, car nous n’arriverons jamais à aimer Dieu comme Il doit être aimé, seule la Sainte Vierge a pu le faire : « Il n’y a que la Sainte Vierge qui ait accompli le premier commandement : un seul Dieu tu aimeras parfaitement » (Nodet, 251) ; il a, pour réconforter ceux qui éprouvent cette souffrance, une petite phrase qui est pleine de sens : « Il en est qui pleurent de ce qu’ils n’aiment pas Dieu ; eh bien ! ceux-là l’aiment » (Nodet, 72).

Ainsi, peu à peu, l’amour se purifie et n finit par aimer Dieu pour Lui et uniquement pour Lui. « Il ne faut agir que pour Dieu » (Nodet, 76). « Le Bon Dieu ne veut pas de partage » (Nodet, 76). « Nous devons ne rien aimer que par rapport à Lui » (Nodet, 77). Alors, il comprend le rôle des épreuves spirituelles. « Quand on n’a pas de consolations, on sert Dieu pour Dieu » (Nodet, 77), et dans la pureté de son amour, il dépasse les tentations du désespoir : « Si l’on devait être damné, ce serait une consolation que de pouvoir dire : j’ai du moins aimé le Bon Dieu sur cette terre » (Nodet, 78). « Quand même je serais sûr d’être damné, j’éviterais le péché autant que je le pourrais » (Nodet, 78).

C’est pourquoi le ciel, pour lui, c’est par-dessus tout la possibilité d’aimer Dieu. L’espérance du ciel, c’est une espérance d’amour. « La mort, c’est l’union de l’âme avec Dieu » (Nodet, 234). « Au ciel, notre cœur sera tellement perdu, noyé dans le bonheur d’aimer Dieu, que nous ne nous occuperons ni de nous, ni des autres, mais de Dieu seul » (Nodet, 246). « Au ciel, l’amour de Dieu remplira et inondera tout » (Nodet, 246).

« Mais l’amour, oh ! nous en serons enivrés ! Nous serons noyés, perdus dans cet océan de l’amour divin, anéantis, confondus dans cette charité du coeur de Jésus ! Aussi la charité est un avant-goût du ciel » (Nodet, 247). Alors on comprend son exclamation : « Nous le verrons ! nous le verrons !… Ô mes frères ! y avez-vous jamais pensé ? Nous verrons Dieu ! nous le verrons tout de bon ! nous le verrons tel qu’il est… face à face !… Nous le verrons ! nous le verrons !!! (Et pendant un quart d’heure, il ne cessa de pleurer et de répéter : « Nous le verrons ! nous le verrons ! » (Nodet, 246).

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