CHAPITRE VI — Seconde fonction du ministère : la prédication

Traité du ministère ecclésiastique
Livre premier

Nature du ministère ecclésiastique

CHAPITRE VI — Seconde fonction du ministère : la prédication

La prédication de la parole de Dieu n’est pas une œuvre humaine. La science tant grande soit-elle, l’éloquence tant puissante soit-elle, ne sont point la prédication de la parole de Dieu.

La science peut être utile, l’éloquence peut être utile, mais il y a dans la prédication de la parole de Dieu plus que la science et mieux que l’éloquence.

Remarquons bien ce mot : la parole de Dieu. Pour parler cette parole, il faut l’avoir reçue : et s’il est vrai qu’on la reçoit de l’Église, il n’est pas moins vrai qu’elle devient parole de vie, grâce à l’Esprit de Dieu, infusé en tous dans la prière.

La parole que nous avons à prêcher doit donc venir de Dieu, il faut de plus qu’elle soit annoncée par l’Esprit de Dieu. Les Apôtres n’ont prêché qu’à la Pentecôte pour la première fois : Repleti sunt Spiritu Sancto et cœperunt loqui.[20] (Act. 2, 4)

Il y a donc une distance infinie entre notre enseignement et les enseignements humains. Les hommes annoncent la parole de l’homme, nous la parole de Dieu ; les hommes parlent avec leur esprit, nous avons l’Eprit de Dieu : les hommes veulent faire naître la science dans leurs auditeurs et nous la foi. Quelle différence !

Or, comme pour produire la science, il faut posséder la science ; de même pour engendrer la foi dans les âmes il faut soi-même être pénétré de la foi. La parole que nous annonçons doit être la parole même de la foi : Verbum fidei[21], dit saint Paul (Rom. 10, 8), Fides ex auditu[22]. (Rom. 10, 17)

Nous ne sommes donc pas des professeurs de religion : nous sommes les organes de Dieu pour faire pénétrer la foi dans les âmes : Tanquam Deo exhortante per nos[23], dit encore saint Paul. (II Cor. 5, 20)

Il nous faut donc, non seulement demander à Dieu par la prière que notre parole soit vraiment sa parole, non seulement être remplis de l’Esprit de Dieu pour annoncer cette divine parole ; il nous faut, sachant bien que dans cette redoutable fonction nous faisons une œuvre toute divine, il nous faut être humbles, priants, suppliants, dépouillés de nous-mêmes, et en quelque sorte de toute notre humanité, afin que notre œuvre soit vraiment l’œuvre de Dieu et qu’elle fasse naître la foi dans nos auditeurs. Hoc est opus Dei ut credatis.[24] (Joan. 6, 29)

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[20] Rom. 10, 8 : La Parole de la foi.

[21] Rom. 10, 17 : La Foi vient de ce que l’on entend.

[22] II Cor., 5, 20 : Comme si Dieu exhortait par nous.

[23] Joan. 6, 29 : L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez.

[24] Ici, le Père Emmanuel renvoie, pour compléter sa pensée, à ce texte de saint Paul (II. Cor. 4, 13) : Habentes autem eumdem spiritum fidei, sicut scriptum est : Credidi propter quod locutus sum, et nos credimus propter quod et loquimur. Puis il avertit, d’après d’autres textes (II Thess. 3, 12. — Act. 13, 48), que nous ne ferons pas naître la foi dans toutes les âmes.