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Le blog de l'Abbé Benoît

Un blog qui donne de vivre joyeusement sa foi en Dieu Trinité. Faire connaître, aimer, adorer, louer Dieu en tout tant et en toute circonstance et vivre constamment dans l'action de grâce.

Les effets de l'amour divin sur l'homme

LES DEUX PRECEPTES DE LA CHARITE
St Thomas d'Aquin

Prologue

 Trois choses sont nécessaires à l'homme pour marcher dans la voie du salut : la science de la foi, la science des désirs et la science des œuvres. De ces trois sciences, la première nous est enseignée dans le Symbole, où sont formulés tous les dogmes de notre religion; la seconde dans l'oraison dominicale, et la troisième dans la loi. Nous allons nous occuper de la science des œuvres.

Les effets de l'amour divin sur l'homme


Si nous étudions maintenant les effets de l'amour divin sur l'homme, nous en trouverons quatre principaux qui méritent toute notre admiration.

w Premièrement, l'amour divin donne à l'homme la vie spirituelle.

L'objet aimé existe dans le coeur de celui qui aime : ainsi celui qui aime Dieu possède Dieu dans son cœur. Quiconque a la charité vit en Dieu, et Dieu vit en lui, dit saint Jean. L'amour transforme encore celui qui aime et le rend semblable à l'objet aimé. Aimons-nous un objet vil et méprisable, nous devenons vils et méprisables comme lui. Écoutez les paroles du prophète : Ils sont devenus abominables comme les objets qu'ils ont aimés. Au contraire, si nous aimons Dieu, nous devenons des hommes divins ; car celui qui est uni à Dieu reçoit de lui la vie spirituelle. Or, dit saint Augustin, "de même que l'âme est la vie du corps, ainsi Dieu est la vie de l'âme." Le corps est doué de vie, quand l'âme habite on lui et le fait agir ; aussitôt que l'âme s'envole le corps reste immobile, et n'est plus qu'un cadavre : ainsi l'âme possède la vie parfaite, elle révèle sa puissance par la vertu, quand elle est unie à Dieu par l'amour; elle languit et meurt dès que l'amour et Dieu l'abandonnent. Quiconque n'aime point demeure dans la mort. Il ne faut pas oublier que celui qui possède tous les dons du Saint-Esprit sans l'amour ne possède point la vie. Le don des langues, le don de la foi et tous les autres dons de la grâce, ne peuvent donner la vie s'ils ne sont point joints à l'amour. Qu'un cadavre soit enveloppé de vêtements où l'or brille, mêlé aux pierres précieuses, ce n'en est pas moins un cadavre. Ainsi dans la vie spirituelle, tel est le premier effet de l'amour divin.

 w En second lieu, l'amour divin nous rend attentifs à observer les commandements de Dieu.

Celui qui aime Dieu ne reste jamais oisif. Il accomplit de grandes choses, si l'amour l'anime véritablement ; s'il se refuse à la pratique de la vertu, l'amour n'habite point dans son cœur : par conséquent le signe le plus manifeste de l'amour divin, c'est la promptitude à accomplir les commandements de Dieu. Ne voyons-nous pas que celui qui aime se dévoue aux plus grandes, aux plus difficiles entreprises pour obéir à la voix de l'objet aimé ? Celui qui m'aime, dit le Seigneur, gardera ma parole. Ajoutons qu'aimer Dieu fidèlement, c'est accomplir toute la loi divine. Remarquons aussi que les préceptes de la loi divine sont de deux sortes : les uns sont positifs et commandent le bien; les autres sont négatifs, et défendent le mal. L'amour divin accomplit également les uns et les autres, car il ne peut faire le mal, et sa plénitude consiste à faire le bien.

 w Le troisième effet de l'amour divin, c'est de nous offrir un refuge contre l'adversité.

Rien ne peut nuire, tout sert à celui qui aime Dieu, tout concourt à son avantage : les peines, les afflictions lui semblent douces. Et pourrait-il en être autrement, quand celui-là même dont le cœur n'est animé que d'un amour terrestre souffre tout avec joie pour l'objet aimé ?

 w Le quatrième et dernier effet principal de l'amour divin, c'est de nous conduire au suprême bonheur.

La béatitude éternelle n'est promise qu'à ceux dont le cœur est pénétré de cet amour sublime; toutes les vertus sans lui sont insuffisantes pour nous mériter les récompenses célestes. Il ne me reste plus, dit saint Paul, qu'à recevoir la couronne que le souverain juge me réserve. Cette couronne ne m'attend pas seul ; elle attend aussi tous ceux qui, comme moi, aiment le Seigneur. Ajoutons qu'il y a différents degrés dans la béatitude éternelle, suivant les différents degrés de l'amour divin, et non suivant ceux de toute autre vertu. Bien des hommes se sont soumis plus que les Apôtres à de rigoureuses abstinences. Cependant les Apôtres tiennent le premier rang dans le royaume du ciel, parce que, plus que tous les autres hommes, ils étaient pénétrés de l'amour divin. Ils avaient reçu, comme dit saint Paul, les prémices du Saint-Esprit, et voilà pourquoi ils sont récompensés plus magnifiquement.

 

 Mais, outre ces quatre effets principaux de l'amour divin, il en est encore d'autres que nous ne devons point passer sons silence.

w D'abord il nous obtient de Dieu la rémission de nos péchés. Si un homme offense son prochain et lui voue plus tard une tendre amitié, celui qu'il a offensé n'oublie-t-il pas ses torts d'autrefois en faveur de son affection ? C'est ainsi que Dieu pardonne à ceux qui l'aiment les offenses dont ils se sont rendus coupables envers lui. L'amour, dit l'Apôtre, couvre une foule de fautes. Il les couvre si bien qu'il les dérobe aux regards de Dieu. L'Apôtre dit que l'amour couvre une foule de fautes, et Salomon assure qu'il les couvre toutes ; c'est ce que prouve l'exemple de Madeleine, de cette pécheresse repentante que le Seigneur montrait à ses disciples, en disant : Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu'elle a beaucoup aimé. Mais, objectera-t-on, l'amour suffit-il à lui seul pour effacer nos fautes, et ne faut-il pas qu'il soit joint au repentir ? Je réponds à cela qu'il est impossible d'avoir un amour sincère sans avoir en même temps un sincère repentir de ses fautes. Plus nous aimons quelqu'un, et plus nous éprouvons de regrets quand nous l'avons offensé.

w Un autre effet de l'amour divin, c'est d'éclairer le cœur. Nous sommes tous, selon l'expression de Job, plongés dans les ténèbres. Souvent nous ne savons que faire, que désirer; mais l'amour divin illumine notre âme, il nous enseigne tout ce qui est nécessaire à notre salut. Où règne l'amour divin règne aussi le Saint-Esprit, qui connaît toutes choses, qui nous guide dans la voie de la justice, suivant l'expression du roi prophète : Vous qui craignez Dieu, dit l'Ecclésiastique, aimez-le, et vos cœurs seront éclairés; c'est-à-dire, vous saurez tout ce qui est nécessaire à votre salut.

w Un autre effet de l'amour divin, c'est de produire dans l'homme un contentement parfait. Nul ne peut goûter de jouissance réelle que dans le sein de Dieu. Quiconque désire quelque chose ne peut trouver de satisfaction et de repos que dans la possession de l'objet de ses désirs ; souvent même, quand l'homme est agité par une affection terrestre, il désire ardemment ce qu'il ne possède pas, et il dédaigne, il méprise ce qu'il a obtenu. Il n'en est pas ainsi quand le cœur est rempli de l'amour divin. Celui qui aime Dieu le possède tout entier, et il trouve en lui son repos et son bonheur. Celui qui aime Dieu demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

w L'amour divin produit encore en nous une paix parfaite. Quand le cœur de l'homme est animé d'un amour terrestre, il arrive souvent qu'après avoir possédé l'objet de ses désirs, il est encore inquiet, il désire encore autre chose; car le cœur de l'impie est comme une mer bouillonnante, qui ne peut se calmer. Point de paix pour les impies, dit le Seigneur. Il n'en est pas ainsi de celui qu'anime l'amour divin. Quand on aime Dieu, on jouit d'une paix parfaite. Seigneur, s'écrie le Psalmiste, une paix profonde est le partage de ceux qui aiment ta sainte loi ; rien ne saurait troubler leur âme. Pourquoi cela ? N'est-ce point que Dieu seul peut remplir l'immensité de nos désirs ? L'immensité de Dieu n'est-elle pas plus grande encore que le vide de notre cœur ? "Mon Dieu, s'écrie saint Augustin, vous nous avez faits pour vous, et notre cœur est inquiet tant qu'il ne se repose pas en vous. " Ô mon âme! s'écrie aussi le roi prophète, bénis le Seigneur qui remplit tous tes désirs.

 w Un autre effet de l'amour divin, c'est d'ennoblir la nature humaine. Toutes les créatures rendent hommage à la majesté divine, toutes sont soumises à Dieu comme à leur Créateur, comme au souverain de l'univers ; mais, grâce à l'amour, nous cessons d'être esclaves ; nous devenons libres, nous devenons les amis de Dieu. Je ne vous donnerai plus le titre de serviteurs, mais celui d'amis, dit le Seigneur à ses disciples. Cependant, objectera-t-on, saint Paul et tous les apôtres ne se donnent-ils pas à eux-mêmes le titre de serviteurs de Dieu ? Il est vrai; mais remarquons qu'il y a deux espèces de servitude : la première est une servitude de crainte ; elle est pénible et sans mérite. Je dis sans mérite : celui qui ne s'abstient de faire le mal que par crainte du châtiment n'a droit à aucune récompense; et sa soumission est encore celle d'un esclave. La seconde est une servitude d'amour. Quand on a pour motif de ses actions, non pas la crainte du châtiment, mais l'amour divin, on n'agit point en esclave, on agit en homme libre, parce qu'on obéit volontairement à Dieu. Voilà pourquoi le Seigneur dit à ses disciples : Je ne vous donnerai plus le titre de serviteurs. Cette explication ne suffit-elle point ? saint Paul lui-même la complétera. Vous n'avez point, dit-il, reçu comme les Juifs, l'esprit de crainte qui rend l'homme esclave, mais l'esprit d'amour qui le rend libre et enfant de Dieu. La crainte est étrangère à l'amour, ajoute saint Jean. La crainte est pénible, et l'amour est plein de douceur.

 w L'amour divin ne rend pas seulement l'homme libre, il le fait enfant de Dieu. Oui, grâce à l'amour, nous obtenons le titre d'enfants de Dieu, et nous le sommes véritablement, selon ce que dit encore saint Jean. Nous acquérons ainsi un droit à l'héritage de notre Père céleste, et cet héritage, c'est la vie éternelle. L'Esprit saint, dit le grand Apôtre, nous rend ce témoignage, que nous sommes enfants de Dieu. Si nous sommes enfants de Dieu, nous sommes aussi ses héritiers ; si nous sommes héritiers de Dieu, nous sommes cohéritiers du Christ. Les justes, dit aussi Salomon, sont enfants de Dieu. "

 Ce qui précède fait assez comprendre les avantages de l'amour divin. Il est donc de notre devoir de faire tous nos efforts pour acquérir et pour conserver une chose si avantageuse.

Mais remarquons d'abord que nul ne peut avoir par lui-même l'amour divin, et que c'est Dieu seul qui le donne. Si Dieu nous a montré tant de bonté, dit saint Jean, ce n'est point à cause de notre amour pour lui, mais a cause de son amour pour nous. Car l'amour que Dieu a pour nous n'est point l'effet de l'amour que nous avons pour lui, mais l'amour que nous avons pour Dieu est l'effet de l'amour qu'il a pour nous. Ajoutons que, bien que tous les dons viennent du Père des lumières, celui de l'amour divin est supérieur à tous les autres. On peut posséder tous les autres dons sans posséder l'amour divin et le Saint-Esprit; mais le Saint-Esprit est inséparable de l'amour divin, et il est impossible de posséder l'un sans posséder aussi l'antre. L'amour divin, dit l'Apôtre, a pénétré dans nos cœurs avec le Saint-Esprit qui nous a été donné. Il n'en est pas de même des autres dons. On peut, je le répète, posséder le don des langues, le don de la science, le don de prophétie, sans posséder le Saint- Esprit, sans posséder l'amour divin. Bien que l'amour divin soit un don de Dieu et le plus grand de tous, nous devons, pour le posséder, disposer notre cœur à le recevoir et à le garder.

 

 Deux choses sont principalement nécessaires pour obtenir l'amour divin.

w Il faut d'abord entendre avec assiduité la parole de Dieu. La manière dont naissent les affections terrestres est une preuve de cette vérité. Quand nous entendons dire du bien d'une personne, ne sommes-nous pas portés à l'aimer ? C'est ainsi qu'en entendant la parole de Dieu, notre cœur s'enflamme d'amour pour lui. Seigneur, s'écrie le roi prophète, votre parole est de feu, et elle enflamme d'amour ce cœur qui vous est dévoué. La parole du Seigneur, dit-il encore, enflamma le cœur de Joseph. Ces deux disciples de Jésus, qui avaient rencontré leur maître après sa résurrection, se disaient l'un à l'autre, tout brûlants de l'amour divin : Notre cœur ne s'enflammait-il pas dans notre poitrine, tandis qu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ! Nous lisons, dans les actes des Apôtres, que, Simon Pierre prêchant l'Évangile à Césarée, le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole divine. N'arrive-t-il pas souvent que la prédication amollit les cœurs les plus durs, et leur inspiré tout à-coup l'amour divin ?

 w Pour obtenir l'amour divin, il faut, en second lieu, entretenir sans cesse son esprit de bonnes pensées. Mon cœur s'enflamme au milieu de ses méditations pieuses, dit le Psalmiste. Si vous voulez obtenir l'amour divin, occupez-vous de pieuses méditations. Il serait bien insensible, celui qui, eu songeant aux bienfaits du Seigneur, aux périls qu'il a évités, à la béatitude qui lui est promise, ne s'enflammerait pas d'amour pour Dieu, Il a le cœur bien dur celui qui, s'il n'aime pas le premier, ne paie pas au moins de retour l'amour qu'on a pour lui. On peut dire, en général, que les mauvaises pensées détruisent l'amour divin, et que les bonnes le font naître, le nourrissent, et veillent à sa conservation. Ôtez, dit le Seigneur, ôtez de devant mes yeux vos mauvaises pensées. - Les mauvaises pensées, dit Salomon, éloignent de Dieu.

 

Deux conditions principales sont nécessaires à l'accroissement de l'amour divin.

w Il faut d'abord éloigner son cœur des objets terrestres. Le cœur ne peut se donner complètement à des objets divers; nul ne peut aimer à la fois le monde et Dieu. C'est pourquoi plus notre cœur s'éloigne des affections terrestres, plus il s'affermit dans l'amour divin. " Ce qui tue l'amour divin, dit saint Augustin, c'est le désir d'obtenir ou de conserver les biens temporels; ce qui le vivifie, c'est l'affaiblissement des passions; ce qui le rend parfait, c'est l'absence de toute passion, car la passion est la source de tous les maux. " Quiconque veut accroître en lui l'amour divin doit donc travailler à détruire en lui les passions. J'entends par passion l'amour des biens temporels. Pour le détruire il faut d'abord craindre Dieu, qui seul ne peut être craint sans être aimé. L'institution des ordres religieux n'a pas d'autre but que l'accomplissement de cette œuvre. L'état monastique nous éloigne des vanités du monde et des objets terrestres, il élève notre âme vers le ciel et vers Dieu. Le soleil brille après avoir été voilé de nuages, lisons-nous dans le livre des Macabées. Le soleil voilé de nuages, c'est l'esprit humain quand il est obscurci par les affections terrestres; le soleil qui brille, c'est l'esprit humain quand il se dégage des affections terrestres pour s'élever à l'amour divin.

w La seconde condition nécessaire à l'accroissement de l'amour divin, c'est une patience inébranlable dans l'adversité. Les peines que nous endurons pour une personne aimée augmentent notre tendresse pour elle, loin de la diminuer. Des torrents d'eau ne pourraient éteindre l'amour, dit le Cantique des cantiques. Ces torrents d'eau, ce sont les tribulations de la vie, et ces tribulations endurées pour Dieu affermissent l'amour divin dans les âmes saintes, bien loin de l'affaiblir. L'artiste contemple avec plus d'amour l'œuvre qui lui a coûté plus d'efforts et de peines. C'est ainsi que les cœurs fidèles aiment d'autant plus Dieu qu'ils souffrent davantage pour lui. Les eaux se multiplièrent et l'arche s'éleva avec elles. Les eaux du déluge, en sont les afflictions du monde; l'arche qui s'élève, c'est l'Église ou l'âme du juste.

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